dimanche 11 mars 2018

DISCOURS ET POLITIQUES PUBLIQUES DE L’EXCELLENCE : LE CAS DES PÔLES D’EXCELLENCE RURALE EN FRANCE COMME MATIÈRE À PENSER LES PERSPECTIVES EN ÉDUCATION


DISCOURS ET POLITIQUES PUBLIQUES DE L’EXCELLENCE :
LE CAS DES PÔLES D’EXCELLENCE RURALE EN FRANCE COMME MATIÈRE À PENSER LES PERSPECTIVES EN ÉDUCATION[1]

L’excellence est une perversion
Le discours de l’excellence va de pair avec l’arrogance d’intarissables théoriciens qui voient la vie de tellement loin que celle-ci perd tout son réalisme. Alors ils se retrouvent entre eux, les paupières basses, perchés comme des hiboux dans le clocher de leur savoir agnosique (Charlélie Couture) http://www.charlelie.com/confesse-book/95-lillusion-de-lexcellence/

Au sujet de l’excellence, j’avais surtout réfléchi à la question du point de vue des territoires, notamment ruraux. Toutefois l’origine de l’idée puise à la même source : l’idéologie néolibérale. En effet, dans le contexte de la recherche de compétitivité, la notion d’excellence se trouve inscrite au fronton de la politique européenne (Stratégie de Lisbonne) (Barthe et al., 2009, p. 102), Or, cette instance internationale est, à mon sens, l’une des plus néolibérales qui soient, avec un grand pouvoir d’inspiration à l’échelle mondiale.
Pour un ancrage dans la réalité des pratiques de recherche, contraintes par le cadre néolibéral tel que l’a décliné la France à partir de l’inspiration des directives et des autres stratégies de politiques publiques émanant de l’Union Européenne (UE), je m’appuierai sur un rapport de recherche qui analyse la mise en pratique de pôles d’excellence rurale : « Les pôles d’excellence rurale : processus, gouvernance et plus-value dans les trajectoires de développement des territoires » (Barthe et al., 2009). Ce rapport de recherche évaluative répond à un appel à projets sur «les pôles d’excellence rurale » pour le gouvernement français. Les syntagmes du titre du rapport évoquent d’emblée l’horizon néolibéral : «gouvernance» et «plus-value» [2], «trajectoires de développement des territoires», avec la dépolitisation comme visée (la gouvernance, plutôt que le gouvernement témoigne d’un tel positionnement discursif), et le développement comme imaginaire économiciste, en droite ligne de la modernité occidentale et ses théories de la rationalisation (ici appliquée à la pensée aménagiste). L’excellence fait désormais partie de ces nouveaux mots du pouvoir (Durand, 2007).

Bien entendu, dans ce rapport comme dans d’autres écrits sur le même sujet, l’idée de «pôle d’excellence» se trouve associée à celle de « compétitivité », de «critères de qualité et d’excellence», de «territoires innovants» (p. 5). Les chercheur.es parlent de «l’injonction d’excellence» et font référence à un «dispositif de pôle d’excellence», ce qu’il est, selon moi, en tant que dispositif de pouvoir au sens foucaldien du terme, et donc étroitement lié à un appareil de savoir : «D’abord amorcée par les pôles de compétitivité censés révéler ou appuyer les territoires les plus innovants et les plus dynamiques essentiellement autour des grandes agglomérations, la logique de la compétitivité prend la forme de l’excellence dans le rural à travers le dispositif des Pôles d’Excellence Rurale» (p. 5).

Dans son design méthodologique, les chercheur.es tentent d’interroger les présupposés d’une telle logique, mais le cadrage d’un tel dispositif limite grandement leur critique, donc leur liberté et leur autonomie de pensée :

ER1 : Analyse des argumentaires développés autour de l’objectif thématique concerné par chacun des PER pour chercher à savoir :
·       quand les notions pivots sont-elles mobilisées (excellence, innovation, plus-value territoriale)
·       pour appuyer quel propos,
·       y a t-il volonté de définir ces notions,
·       y a t-il un positionnement,
·       quelle en est la déclinaison et l’appropriation par rapport au discours sur le territoire.
(Tiré de FIG. 3 - Matrice descriptive des opérations de recherche, p. 10)


Pour les projets concernés, il s’agit d’obtenir un «label d’excellence», où l’on voit le dispositif d’ingénierie se mettre en place autour du management de projet, et de la compétitivité. Il s’agit de mettre en concurrence les territoires, les municipalités, et in fine, les chercheur.es, à travers les appels à projets. Mais le rapport pointe par exemple un certain nombre de dysfonctionnements (p. 56), en termes de temporalités notamment, en lien avec de tels projets (entre les phases des projets, en lien avec les mécanismes de financements, les politiques publiques …). Bref, il s’agit de se persuader que l’ingénierie du projet[3] et sa logique de rationalisation résolvent les problèmes de «la course à la compétitivité nécessaire», parce que nos sociétés sont engagées dans une course au progrès et son imaginaire développementiste, où l’on se trouve ici confronté à un raisonnement circulaire qui nourrit une prophétie autoréalisatrice : le projet de développement rationnel et efficace pour le développement… qui est loin d’être rationnel et efficace (voir par exemple les travaux de Bent Flyvbjerg (Flyvbjerg et al., 2002, 2005).

Le rapport évoqué montre par ailleurs que la plupart des dynamiques rurales que devraient promouvoir le dispositif d’excellence étaient déjà en place, ne serait-ce que parce que «l’idéologie de l’excellence» comme les chercheur.es la qualifient, était déjà à l’oeuvre (Barthe et al., 2009, p. 84). Et bien entendu, de tels dispositifs n’entraînent en rien une meilleure concertation ou même encore une amélioration des «gouvernances locales». On comprend que l’intérêt de tels dispositifs est ailleurs et pour d’autres que les citoyens habitants : «Les logiques d’excellence et d’innovation surfent sur cette idée d’une ruralité de progrès, d’une ruralité active, lieu d’expérimentation et de changement» (p.90), sans doute pour le plus grand bonheur d’une élite qui sait mobiliser ces mots, concepts, savoirs pour son propre intérêt. Cette élite serait à circonscrire : hauts fonctionnaires de l’État, élus, politiques à des échelons supérieurs, managers territoriaux, chercheurs embarqués, etc.

De manière moins négative, les chercheur.es impliqué.es dans le rapport font remarquer que de tels projets d’excellence rurale peuvent jouer un rôle d’accélérateur, de mobilisation d’acteurs et de «parties prenantes», surtout en termes d’accompagnement financier (p. 93)[4]. Cependant, le prix à payer est bien entendu le cadrage idéologique associé.

Après plus de trente ans d’expériences et d’accumulations de procédures dans le champ du développement territorial, nous sommes aujourd’hui en présence d’un champ d’action très fortement balisé, voire corseté. L’innovation et l’excellence apparaissent comme les nouveaux horizons d’action imposés aux acteurs locaux, mais la capacité de ces acteurs locaux à porter des actions en adéquation avec leurs besoins spécifiques demeure très contrainte ou restreinte du fait des cadres d’éligibilité dictés par les politiques publiques détentrices des financements» (p. 102).

Les acteurs sur le terrain ne sont pas dupes pour autant : «Ce concours entre territoires aurait donc pour critère principal de sélection l’innovation ou l’excellence, « mettre en œuvre la compétition des territoires sous couvert d’innovation, celle-ci étant le prétexte» (CG 81)»[5]. D’autres acteurs moins critiques décrivent « le critère de l’excellence dans la construction du projet comme le choix d’une thématique fédératrice et d’un objectif clairement identifié» (p. 114).

Cependant, plusieurs géographes déconstruisent non sans humour, les logiques de l’excellence, tels André Micoud et Marie-Christine Fourny, considérant que c’est relativement à un «ex-» (exceptionnel, exemplaire, expérimental, et on peut ajouter cet «ex» aujourd’hui en vogue qu’est l’excellence) que les espaces locaux, désormais, se distinguent et se mettent à exister ; c’est-à-dire par référence à une spécificité qui a quelque chose d’absolu, mais qui n’en demeure pas moins relative à un pouvoir de rayonnement à d’autres échelles (Micoud et Fourny, 2002, p. 31‑51, dans Briffaud et Brochot, 2008, p. 19).

En outre, si l’excellence représente pour beaucoup une sorte de sanction suprême de leur territoire à laquelle les acteurs peuvent légitimement et fièrement s’identifier, les conséquences d’une telle labellisation n’en fait pas moins peser des charges nouvelles pour les acteurs locaux et leur imposent de facto de nouvelles responsabilités, au regard de «l’Inscription» sur la liste des territoires patrimoniaux. Le statut d’excellence conféré par l’Inscription fait aussi l’objet d’une réappropriation, pour ne pas dire récupération, tant à visée politique, qu’économique ou commerciale, contribuant à accentuer les lignes de «discrimination» territoriales et sociales, au sein même du site et avec ses périphéries. La différence de valeurs portées sur le territoire «élu» ouvre la porte au développement de pratiques spéculatrices, les tenants des biens élevés au rang de patrimoine mondial s’employant pour capitaliser les bénéfices de la rente de situation conférée par l’Inscription (Briffaud et Brochot, 2008, p. 162).

Bien qu’assez éloigné de la sphère éducationnelle, j’ai trouvé qu’il pouvait être intéressant d’entrer par le discours de l’excellence à travers ces «projets d’excellence rurale» qui déclinent la mise en concurrence des territoires en France, sous un gouvernement de Droite dure (le gouvernement de Nicolas Sarkozy) et l’aiguillon de la très néolibérale Union Européenne (alors que plusieurs attendaient et attendent autre chose de cette union). Ce discours de l’excellence s’inscrit pleinement dans la rationalité néolibérale, en tant qu’elle est une nouvelle raison de type gouvernemental (Dardot et Laval, 2010). Celle-ci vise la mise en compétition de tous contre tous de l’échelle locale à l’échelle mondiale et au sein d’un marché généralisé qui se veut régit «rationnellement» par la main invisible de la «libre concurrence», sachant bien entendu qu’aux «élus» de l’excellence, correspondent ses laissés-pour-compte. Nous pouvons aussi suggérer qu’une telle consécration de «l’excellence» ou de «l’exceptionnel» ne peut que reposer et se mettre en place sur une certaine négation du quotidien et de l’ordinaire. Bref, ce décentrement proposé par l’application de l’excellence aux territoires ruraux français peut permettre de soulever des questionnements à l’aune d’un «institut national d’excellence en éducation» au Québec.

À noter par ailleurs que l’excellence est un modèle en relations publiques qui serait très influent au Québec (Mbatika, 2006, Introduction). Bien entendu, ce modèle est très prégnant au sein des organisations internationales, de l’UNESCO à l’OCDE[6], qui poussent pour qu’un tel modèle managérial du contrôle technocratique percole aux différents niveaux institutionnels, notamment en éducation et en recherche (Durand et al., 2012 ; Leclerc, 2016 ; Lessard, 2003).


Ouverture sur l’enseignement et la recherche

Je connais mal la dynamique de l’excellence en éducation, aussi bien au niveau scolaire qu’au sein de l’université et de la recherche.

Je n’évoquerais ici que quelques pistes éventuelles et quelques références d’intérêt, rencontrées à l’occasion de ce travail en survol. Toujours sous le même gouvernement de Nicolas Sarkozy en France, s’étaient mis en place des «internats d’excellence», qui se voulaient une nouvelle utopie éducative[7].

Sur le plan de la recherche, la pression a été très forte en France avec une littérature abondante sur le sujet, avec par exemple en janvier 2010 en France, le rapport d’étape de Philippe Aghion «L'excellence universitaire : leçons des expériences internationales - Rapport d'étape»[8] ou encore en 2013, la Cour des comptes en France qui en faisait la promotion dans son rapport sur «Le financement public de la recherche, un enjeu national». Plusieurs chercheur.es se sont érigés contre une telle dérive, en pointant les coûts générés par les dispositifs de l’excellence (Aubert et Gaulejac, 2007 ; Durand et al., 2012 ; Lessard, 2003 ; Millet, 2016). Par ailleurs, si l’excellence met en exergue la « culture des gagnants », elle instaure par là même une «culture des perdants» (Leclerc, 2016; Lessard, 2003 ; Millet, 2016). Elle est aussi une pratique discursive éminemment clivante, par la mise en ordre d’un discours de l’excellence, mais elle est aussi une pratique concrète avec des effets réels souvent négatifs sur les personnes, notamment dans le domaine de la recherche (Leclerc, 2016).

Lors d’une émission de France Culture portant sur l’excellence à l’université, des questions-cadres furent posées, puisque la politique publique de l’excellence universitaire devait faire émerger 8 «super universités» concurrentielles, susceptibles d’attirer les meilleurs talents au niveau mondial :

- Pourquoi vouloir l’excellence à tout prix ? Quelle excellence veut-on ? Est-ce que faire entrer l’excellence à l’université ne signifie pas en rabattre avec l’excellence, et dans la mesure où ces pôles ne concerneront pas toutes les universités, ne risque-t-on pas de renforcer en le déplaçant un système à deux vitesses ? [9].

Des questionnements que l’on peut appliquer à bien des domaines, et notamment à ceux de l’éducation au Québec (Lessard, 2003), d’autant plus que comme le montre Myriam Monla dans un article ayant pour titre «Perspectives et impasses de l’excellence» (2013, p. 40), «la question de l’excellence est plus que jamais conditionnée par celle de l’éducation», et ce modèle vient de loin. À tout le moins, un doute critique semble de «bon aloi» lorsqu’il s’agit d’institutionnaliser l’excellence.

Liste de références
Aubert, N. (2003). Le culte de l’urgence : La société malade du temps.Paris : Flammarion.
Aubert, N. et Gaulejac, V. de. (2007). Le Coût de l’excellence (Nouvelle édition). Paris : Le Seuil.
Barthe, L., Milian, J. et Taulelle, F. (2009). Les Pôles d’Excellence Rurale: processus, gouvernance et plus-value dans les trajectoires de développement des territoires. Rapport pour la Délégation interministérielle à l’Aménagement et à la Compétitivité des Territoires (DIACT), Toulouse, Université de Toulouse-Le Mirail.
Berg, M. et Seeber, B. K. (2016). The slow professor: challenging the culture of speed in the academy. Toronto : University of Toronto Press.
Boutinet, J.-P. (1993). Psychologie des conduites à projet. Paris : Presses universitaires de France.
Boutinet, J.-P. (2004). Vers une société des agendas: une mutation de temporalités. Paris : Presses universitaires de France.
Boutinet, J.-P. (2005). Anthropologie du projet. Paris : Presses universitaires de France.
Briffaud, S. et Brochot, A. (2008). Paysages d’exception, paysages au quotidien. Une analyse comparative de sites viticoles européens du Patrimoine mondial. (report). LADYSS. Récupéré de https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00755903
Dardot, P. et Laval, C. (2010). La nouvelle raison du monde: essai sur la société néolibérale. Paris : La Découverte.
Cour des Comptes. (2013). Le financement public de la recherche, un enjeu national. Rapport public thématique, Paris. Récupéré de https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-financement-public-de-la-recherche-un-enjeu-national
Durand, P. (2007). Les nouveaux mots du pouvoir: abécédaire critique. Bruxelles : Aden éditions.
Durand, P., Belloi, L. et Bouquiaux, L. (2012). Le discours d’excellence. Rhétorique et idéologie de l’évaluation en milieu universitaire. Louvain-la-Neuve : L’Harmattan/Academia. Récupéré de https://orbi.uliege.be/handle/2268/109042
Flyvbjerg, B., Holm, M. K. S. et Buhl, S. L. (2005). How (In)accurate Are Demand Forecasts in Public Works Projects?: The Case of Transportation. Journal of the American Planning Association, 71(2), 131146. http://dx.doi.org/10.1080/01944360508976688
Flyvbjerg, B., Holm, M. S. et Buhl, S. (2002). Underestimating Costs in Public Works Projects: Error or Lie? Journal of the American Planning Association, 68(3), 279295. http://dx.doi.org/10.1080/01944360208976273
Gaulejac de, V. (2012). La recherche malade de managmenet. Coll. « Sciences en questions ». Versailles: Éditions Quæ.
Gingras, Y. (2013). Les dérives de l’évaluation de la recherche du bon usage de la bibliométrie. Paris : Raisons d’agir.
Giroux, A. (2006). Le pacte faustien de l’université. Montréal : Liber.
Horgan, J. (2011, 29 juillet). The « Slow Science » Movement Must Be Crushed! Scientific American Blog Network. Récupéré de http://blogs.scientificamerican.com/cross-check/the-slow-science-movement-must-be-crushed/
Hibou, B. (2012). La bureaucratisation du monde à l’ère néolibérale. Paris : La Découverte.
Lafitte, J., Lehrer, J. et Demers, S. (2017). Le ralentissement du chercheur. e: comment résister à la corporatization de l’université-Slowing down as an academic: How to resist the corporatization of the university. Dans 2017 Conference of the Canadian Society for the Study of Education. Ryerson University.
Leclerc, C. (2016, 7 juin). Dérives de la recherche et détresse psychologique : une recherche qualitative. Acfas-Découvrir-Dossier Santé psychologique des chercheurs, (6). Récupéré de http://www.acfas.ca/publications/decouvrir/2016/06/derives-recherche-detresse-psychologique-recherche-qualitative
Lessard, C. (2003). L’excellence des uns contre la réussite de tous. Revue Relations, 687, 12–16. Récupéré de http://cjf.qc.ca/revue-relations/publication/article/lexcellence-des-uns-contre-la-reussite-de-tous/
Mbatika, K. (2006). Le nouveau modèle d’excellence en relations publiques: caractérisation et perspectives critiques (PhD Thesis). Université Laval.
Micoud, A. et Fourny, M.-C. (2002). Représentations et nouvelles territorialités. À la recherche du territoire perdu. Dans M. Vanier et B. Debarbieux (dir.), Ces territorialités qui se dessinent (p. 3151). La Tour-d’Aigues : Ed. de l’Aube/Datar. Récupéré de https://www.decitre.fr/livres/ces-territorialites-qui-se-dessinent-9782876787407.html
Millet, P.-A. (2016, 8 décembre). L’excellence, le discours de la concurrence... Blog Vénissian. Récupéré de https://pierrealainmillet.fr/Qui-decide-des-IDEX
Monla, M. (2013). Perspectives et impasses de l’excellence, The perspectives and blind spots of “excellence”, Perspektiven und Sackgassen der Exzellenz, Perspectivas y barreras de la excelencia. Annales des Mines - Gérer et comprendre, (114), 3747. http://dx.doi.org/10.3917/geco.114.0037
Rosa, H. (2014). Aliénation et accélération vers une théorie critique de la modernité tardive. Traduction par T. Chaumont, Paris : La Découverte.
Tauveron, M. (2013). Excellence. Une analyse logométrique. Mots. Les langages du politique, (102). http://dx.doi.org/10.4000/mots.21387
Tuchman, G. (2009). Wannabe U : Inside the Corporate University. Chicago : University of Chicago Press.



[1] Pour référencer ce texte : Lafitte, J. (2018, 11 mars). Discours et politiques publiques de l’excellence : Le cas des pôles d'excellence rurale en France comme matière à penser les perspectives en éducation. [Billet de blogue L’INEÉ-fable]. Récupéré de https://inee-fable.blogspot.ca/2018/03/discours-et-politiques-publiques-de.html
[2] Une telle sémantique rappelle celle mise en lumière par les analyses de Claude Lessard au sujet du discours de l’excellence, propre à l’école québécoise : « l’excellence, en milieu scolaire, concerne donc tout à la fois la performance des élèves et celle des établissements, saisis comme unité de production d’un service que l’on souhaite de la plus grande qualité, et au meilleur coût. Ainsi, les bonnes écoles doivent être efficientes et aptes à démontrer leur ‘valeur ajoutée’  […] » (Lessard, 2003, paragr. 10).
[3] La psychologie des conduites à projets a depuis longtemps mis en exergue les dérives des conduites à projet provenant du management stratégique et omniprésentes aujourd’hui (Boutinet, 1993, 2004 ; 2005). De telles dérives touchent également la recherche, elle-même soumise à la « culture des délais » par la « tyrannie » des projets en recherche avec leurs dérives évaluatives adossées au couple instrumental financement-publications, bien étudiées par Yves Gingras (2013). En effet, le couplage projet-évaluation joue à plein dans le discours de l’excellence (Tauveron, 2013).
[4] L’accélération peut à son tour être envisagée comme stratégie d’aliénation ou à tout le moins critiquée (Rosa, 2014). En éducation comme en recherche, une telle accélération concourt à la mise en concurrence entre visions et pratiques, soumises à la culture des résultats probants. À ce niveau, le mouvement du ralentissement de la recherche (slow downing research est une pratique de résistance qui porte une autre vision de la recherche (Berg et Seeber, 2016 ; Horgan, 2011 ; Lafitte et al., 2017)
[5] Aline Giroux (2006) a publié dans son livre « Le pacte faustien de l’université » une critique de la montée du discours sur la performance. Elle traite par ailleurs, pour les universités, de la montée de la raison instrumentale et du clientélisme en enseignement, de la montée de la raison entrepreneuriale en recherche et enfin de la montée de la raison managériale et du calcul dans l’administration. On se trouve ici dans la mouvance de la nouvelle gestion publique,  de la qualité (qualité totale),  de la compétition-comparaison entre tous et bien entendu, de l’excellence. En éducation, le PISA et le TIMSS en sont des exemples. Tout ceci forme un amalgame fort explosif pour les êtres, les sociétés et l’environnement : accélérer, comparer, compétitioner, innover, globaliser (internationaliser) … mettre en batterie. Voir par ailleurs sur ces questions, « Le culte de l’urgence » (Aubert, 2003), « La recherche malade de management » (Gaulejac, 2012), « Wannabe U : Inside the Corporate University » (Tuchman, 2009) et « La bureaucratisation du monde à l’ère néolibérale » (Hibou, 2012). Je remercie Tom Berryman pour ces pistes de réflexions).

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